lundi 11 février 2013

Exposition "Vue d'exposition" 2013 project room, Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois

crédit photo Aurélien Mole
crédit photo Aurélien Mole
crédit photo Aurélien Mole

crédit photo Aurélien Mole
 
 
crédit photo Aurélien Mole

Sans titre 2012,(marqueterie) bois de placage contrecollés sur bois aggloméré.

Vue de l'exposition : Perceptions vives, La Couleuvre, St Ouen, commissariat d'exposition Marion Daniel.

Chloé Dugit-Gros, Morgane Fourey, Simon Nicaise, Eva Nielsen, Benoît Pype, Marion Robin.



 crédit photo Aurélien Mole

jeudi 5 juillet 2012



Clou à clou  / Galerie ACDC
Par Marianne Derrien


C'est avec une installation composée de plusieurs pièce sans titre que Morgane Fourey présente sa première exposition Clou à clou à la galerie ACDC. Malgré l'utilisation de poncifs ou de jeux de mots liés à l'art, Morgane Fourey assume l'appropriation de ce lexique pour engager une réflexion sur
la peinture et la sculpture par la stratégie du faux semblant et du trompe l'oeil. Le titre de l'exposition

évoque les modalités et conditions d'assurance relatives aux oeuvres d'art en tant que gage de confiance lors de leur transport et la mise en perspective du soin qui leur sera porté. Cette procédure administrative est également en lien, au sens strict, avec le geste de décrocher une oeuvre pour l'accrocher à un autre mur. Cependant, se heurtant donc à une incompréhension immédiate, les oeuvres en question sont étrangement absentes ou bien en attente d'être déballées et/ou accrochées. Un assemblage de réceptacles, de caisses de transport, de matériels de protection et d'emballage est seulement donné à voir dans l'espace de la galerie.

C'est par ce mode opératoire que Morgane Fourey prend goût à jouer avec les mots et à tromper

les sens qui est aussi significatif de sa connaissance des techniques et des pratiques de l'exposition.
Pour imiter le matériel de transports des oeuvres d'art, Morgane Fourey emploie le contre plaqué pour
donner l'illusion du carton, les particules de calages ainsi que les profilés en mousse sont transformés
en bois peint ou en plâtre. Les qualités formelles des oeuvres s'établissent en fusionnant les caractéristiques propres aux domaines de la sculpture et de la peinture: du mou au dur, du délicat au fragile, du pliable au rigide. Dans tous leurs états, ces oeuvres, à la fois répliques absurdes et objets parfaitement façonnés, nous amènent à nous demander quel est le but de cette « escroquerie » formelle ? Dans le cas de figure de la présentation de ces oeuvres en galerie, la valeur de l'oeuvre est aussi questionnée par sa dualité ontologique. Un nouveau système de valeurs s'instaure par cette approche sensible des matériaux et du travail manuel. Morgane Fourey se concentre sur ce paradoxe, matériel / fonction, tout en le rendant visible et esthétiquement appréhensible.

Marquant le lieu par ces ambiguïtés, l'espace en devenir est celui d'un avant ou d'un après de
l'exposition. La simulation du montage et/ou du démontage de l'exposition interpelle les temporalités et les spatialités de l'oeuvre. Par le plagiat et la copie, ce sont les croyances et les pouvoirs de
représentation qui sont discutés et laissés à la compréhension. Là où la vision est remise en question, le toucher pourrait devenir un des indicateurs pour témoigner de la vraisemblance ou non de ces oeuvres. Or, clouer sur place, nous ne pouvons qu'être face au « travail de l'art » faisant surgir de nouvelles significations. Le processus de fabrication se révèle par cette précieuse attention que l'on porte, en deux temps, à ces oeuvres, pour mieux signifier leur mise en place dans un espace donné. C'est dans cet interstice, espace situé entre les éléments d'un tout, que Morgane Fourey propose cette exposition comme si elle n'allait jamais avoir lieu ou commencé. Avec ce temps suspendu et figé, voire pétrifié, Morgane Fourey fait l'éloge du doute. Par cette méthode et cette pratique de la réplique ou de l'imitation, elle tend à déséquilibrer notre vision. Le vocabulaire de l'art, ses codes et ses rouages sont constamment manipulés comme si un « complot » du vrai avec le faux pouvait désamorcer, avec minutie et facétie, certaines convenances des « professionnels de la profession ».

Vue de l'exposition "Clou à clou" Galerie ACDC. 2012.


VUE D’EXPOSITIONS

par Loraine Baud
Oeuvres et Catalogue "Cheville ouvrière" réalisés dans le cadre de la résidence d'artiste à Monflanquin/ Pollen.

Une exposition « doit instruire le spectateur du sujet
et de ses principales circonstances, du lieu de la scène
et même de l’heure où commence l’action, du nom,
de l’état, du caractère et des intérêts de tous les
principaux personnages. [Elle] doit être entière, courte,
claire, intéressante et vraisemblable »
Manuscrit 559 de la BNF dit de La Bruyère

Dans son acception théâtrale, une exposition est ce premier moment d’une pièce destiné à présenter au public tout ce qu’il a besoin de connaître pour comprendre l’action. Morgane Fourey construit ses expositions en introduisant ce procédé de la mise en scène. Pour « Figures profanes » où elle fait surgir des traces

d’une possible vie de chantier dans l’abbatiale Saint-Ouen à Rouen ou pour « Cheville ouvrière », l’artiste faisait intervenir cette dimension de théâtralité et transformait l’espace d’exposition pour y créer une mise en scène de ses oeuvres.

A Pollen-Monflanquin, l’artiste présente une exposition de prime abord sans oeuvre. Profilés en mousse bleus adossés contre un mur, caisse de transport en bois, cartons remplis de particules

de calage. Autant d’indices et de témoins du passage d’oeuvres qui évoquent un montage d’exposition

et se fondent dans le décor d’un centre d’art. L’exposition : un moment entre-deux dans la vie des oeuvres, un passage, une transition.

Dans la plus grande économie de la vision, les oeuvres révèlent peu à peu leur présence. Après un examen minutieux, leur caractère illusionniste surgit : la mousse s’est faite bois, le polystyrène marbre. L’ambiguïté du matériau est renforcée par celle de l’usage même des objets représentés et créé une confusion par les contradictions entre le rigide et le mou, le fragile et le solide, le précieux et le trivial.

Puisant son vocabulaire dans les champs du fauxsemblant et du trompe l’oeil, la pratique de Morgane Fourey conjugue la tradition d’imitation de la peinture classique et la réappropriation des techniques liées à l’artisanat, notamment celles des peintres en décor. Historiquement attachée à représenter des volumes et des formes tridimensionnelles en une surface plane, la technique du trompe l’oeil provoque l’illusion de la présence d’objets réels par une palette d’effets de perspective et de jeu de texture. Mais si l’artiste use de ces artifices, son travail se définit davantage comme une peinture en volume, articulant la sculpture et l’espace de représentation défini par la peinture.

Ici, la touche du peintre apparaît comme une empreinte invisible. Si le trait est précis, le travail minutieux, Morgane Fourey restitue la matière de chaque objet tout en lui refusant la fonction qu’il recouvre habituellement. Jouant sur l’organe de la vision et de la perception, la facture de l’oeuvre cherche à imiter avec un matériau différent la matière de ce qui est reproduit ou présenté. Par l’artifice d’une nouvelle matière picturale, un effet de vérisimilitude de l’objet représenté est créé, alors même que la surface peinte contredit la matière de l’objet.

Au-delà de la ressemblance entre l’objet représenté et son double, c’est un rapport de contiguïté entre le contenant et le contenu, celui de la matière pour objet, qui opère. S’emparant de l’objet même de l’exposition, elle explore la frontière entre objets d’usage et oeuvres d’art. Par cette pirouette de la métonymie, c’est bien l’ambiguïté de ce statut de l’oeuvre qui est mise à jour.

Dissimulant ce qui est caché, la peinture agit ici du même coup comme un révélateur de ce qui devient alors au centre de l’attention. Plus largement, Morgane Fourey met à vue et donne une présence physique à ce qui est généralement de l’ordre du caché. Elle déplace ainsi le regard vers ce qui semblait effacé de la mémoire.

Fixant les objets à la fois par l’acte de la peinture et par leur mise en scène dans un espace, Morgane Fourey arrête l’image sur la photographie d’un moment : celui du montage, de la construction, engageant une activité invisible. Par là même, elle introduit une certaine dramaturgie en transformant l’espace d’exposition en véritable scène de théâtre, vidée de ses acteurs. Malgré leur absence de la scène, c’est bien sur le travail de ceux qui agissent et fabriquent en amont – les artisans, les restaurateurs, les régisseurs – que Morgane Fourey porte son regard. Par là même, l’artiste rend hommage au travail discret et caché des métiers de l’ombre, celui des garants de l’exposition.

Vue de l'exposition HAUT/BAS Oeuvres réalisées dans le cadre de la résidence d'artiste à Monflanquin/POLLEN.2012.

Sans titre (cartons) Bois, peinture acrylique, moulage de particules de calage en plâtre, 2012

Sans titre (profilés) Bois et peinture acrylique, 2012

Ouvrage, peinture acrylique, 2012

Fantaisiste, Peinture acrylique, 2012

Sans titre caisse de transport) Bois, peinture acrylique, 2012

Sans titre (particules de calage) marbre, dimensions variables 2012

lundi 31 octobre 2011

FIGURES PROFANES: Abbatiale st Ouen Rouen (dans le cadre de Rouen impressionnée)

Morgane Fourey
Figures profanes
Morgane Fourey s’inscrit en contrepoint de tout ce qui apparaît aujourd’hui comme séduisant, spectaculaire, péremptoire et immédiat. Tout son travail s’énonce à rebours : il est laborieux et minutieux, volontairement parfois à la limite du visible. Issu d’une observation longue et rigoureuse, il dénote de son intérêt pour tout ce qui pourrait sembler banal voire trivial et qu’elle s’acharne pourtant à replacer sur le devant de la scène.
Usant de matériaux pauvres, intermédiaires, invisibles la plupart du temps parce que précaires ou destinés à être dissimulés, puisant dans des pratiques vernaculaires, des savoir-faire traditionnels et des techniques artisanales, son travail articule pratique et vie de chantier. Partant de cet « envers du décor » – qu’elle met en résonance avec une économie qui lui est propre et qui est celle de l’atelier – elle explore le champ de ce qui œuvre et de ce qui fait œuvre, ne boudant pas plus son plaisir à faire de « la belle ouvrage » qu’un « chef-d’œuvre » ou du « gros-œuvre ».
Invitée à intervenir au sein de l’Abbatiale Saint-Ouen, elle propose un dispositif qui s’inscrit dans l’histoire patrimoniale du lieu et qui invite à le considérer tant du point de vue de l’histoire de l’art que de celui plus anthropologique de ces « figures profanes » : ces hommes qui y ont œuvré, l’ont bâti, sculpté, orné et « habité ».
Tant et si bien que l’Abbatiale semble avoir recouvré vie. Ça et là, des indices laissent supposer la reprise d’une toute récente activité.
Au gré de la déambulation, l’on découvre un nouveau tableau, un Georges de La Tour ? Un peu plus loin dans l’une des chapelles, un gisant est venu rejoindre le duo déjà installé. Disposés sur l’autel d’une autre chapelle, l’on aperçoit les reliefs d’un repas : des miches de pain… se seraient-elles multipliées ? Non loin encore, ce qui semble être un foyer où l’on se serait réchauffé. Un atelier de menuisier comme laissé en plan, le bois prêt à être découpé. Un morceau de pilier sculpté, comme prêt à être replacé. L’ensemble suggère la présence et la vie sur le site de différents corps de métiers, nous laissant supposer la reprise d’un chantier.
Mais à y regarder de plus près, le temps semble ici s’être arrêté. Ce que l’on avait au premier abord envisagé comme un chantier de restauration semble nous donner autre chose à voir. Comme pris dans une image arrêtée, c’est en fait au cœur du travail de Morgane Fourey que l’on se trouve.
Ce qui est à voir c’est ce que l’on ne voit jamais : le montage en cours, le chantier de l’atelier. Au cœur du dispositif élaboré de toutes pièces par l’artiste, les indices prennent alors une tout autre apparence : ceux de simulacres, de trompe-l’œil qui se jouent de notre envie de voir à tout prix et de donner un sens, surtout en un lieu à la symbolique et à l’histoire aussi chargé que l’Abbatiale.
Fine observatrice de notre relation à l’art et à la culture, Morgane Fourey nous détourne par son travail de notre habitude de consommateurs d’images, que l’on soit esthète ou simple regardeur. Au risque de passer à côté, ses œuvres requièrent une attention toute particulière : il s’agit bien du tableau Saint-Joseph charpentier de Georges de La Tour mais l’œuvre en est une parfaite réplique, en marqueterie, non pas de bois précieux mais de ceux que l’on utilise pour le gros-œuvre ou le bricolage bon marché. Il s’agit bien aussi d’un gisant, mais entièrement moulé en plâtre, matériau à son tour réhaussé d’une peinture en trompe-l’œil figurant la tranche de plaques de placoplâtre juxtaposées. Les « reliefs » du repas, miches de pain déjà un peu moisies, le sont au propre comme au figuré, moulées elles aussi en plâtre puis repeintes en trompe-l’œil…
Ce que petit à petit, et plus subtilement qu’il n’y paraît, l’artiste nous amène à voir, à reconsidérer, c’est notre façon de regarder et donc de juger : de ce qui est beau, de ce qui ne l’est pas, de ce qui est de l’art, de ce qui n’en est pas, de ce qui représente, de ce qui ne représente pas, de ce qui est du travail ou de ce qui n’en est pas.
Ses œuvres inversent les valeurs tout en ne prétendant pas être autre chose que ce qu’elles sont : des matériaux pauvres ou artisanaux, qu’elle pare, grâce au trompe-l’œil, de toutes les qualités esthétiques qui leur sont communément refusées. Elle-même fabrique, découpe, usine, bricole, peint pour donner simplement tout à voir du processus, de l’artifice, de ce que l’on appelle aussi le travail de l’art.
Isabelle Delamont, octobre 2011